Je réalise des masques en papiétage ou en pâte à bois à partir de formes que j’ai modelées en terre.
Le masque est un chemin de création très particulier. Il a quelque chose d’initiatique. En ce qu’il est visage, il interroge celui qui le façonne sur son identité comme le miroir qui pose la question en dérobant sa réponse. Le professeur qui m’apprit cette technique prétendait qu’à travers le premier masque que l’on crée, c’est soi-même que m’on représente. C’était juste, et néanmoins incomplet. Le premier masque exprime un essentiel, mais les suivants ne cessent de creuser dans la matière de l’âme.
A mesure que mes mains pressent la terre, je me rends compte qu’elles cherchent à révéler un visage qui y est déjà présent et qui pourtant semble procéder de ma volonté, un visage que je crois connaître et que je reconnais peu à peu tout en pensant l’inventer (mais le sens profond d’inventer n’est-il pas de faire venir au jour ce qui est caché ?) qui me surprend toujours, étrange mais tout en étant familier, ni tout à fait moi ni tout à fait un autre, aurait pu dire le poète.
Fabriquer des masques n’est pas une démarche créative que je pratique souvent car elle me bouleverse. Vous prenez votre équipement pour une route totalement inconnue de votre conscience, sans carte mais l’intuition en boussole, car vous êtes sensés avoir déjà fait ce chemin.
A mesure je m’aperçois qu’on retrouve dans mes masques certains tropismes. Plus que dans mes autres formes créatives, c’est ici notamment que s’inscrit ma conviction viscérale de l’ambiguité essentielle des choses et des êtres où se mêlent dans une harmonie incertaine et complexe le bon et le mauvais, le beau et le laid, le doux et le violent, le clair et le sombre, mâle et femelle, joie et tristesse, doute et certitude, force et fragilité, etc. La vérité est dans cette troisième entité que forme la coexistence indissoluble des contraires.